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« — Comment ? m’écriai-je étonné, vous parlez de la mort comme d’un acte dépendant de notre volonté ? »

« — Je me le permets souvent, répondit-il, et si vous avez d’autres opinions, je veux là-dessus raisonner à fond avec vous, puisque dans ce moment il m’est donné d’exprimer mes pensées. »

Je le pressai de tout me dire, et il parla ainsi :

« Vous savez depuis longtemps que les idées qui ne trouvent pas dans le monde des sens un appui solide, quelle que soit toute la valeur qu’elles conservent pour moi, ne sont pas dans mon esprit des certitudes, parce que, en face de la nature, je ne veux pas supposer et croire, mais savoir. — Ainsi ai-je agi pour l’existence personnelle de notre âme après la mort. Elle n’est nullement en contradiction avec les observations, prolongées pendant des années, que j’ai faites sur notre constitution et sur la constitution de tous les êtres de la nature ; au contraire, de toutes ces observations sortent pour elle de nouvelles démonstrations. — Mais combien de parties de notre être méritent de persister et de durer après notre mort ?… c’est là une question toute nouvelle, c’est là un point que nous devons abandonner à Dieu seul. — Je me contente, quant à présent, des remarques suivantes. Les derniers éléments primitifs de tous les êtres, et pour ainsi dire les points initiaux de tout ce qui apparaît dans la nature, se partagent suivant moi en différentes classes, et forment une hiérarchie. Ces éléments, on peut les appeler des âmes, puisqu’elles animent tout, mais appelons les plutôt monades ; gardons cette vieille expression leibnitzienne ; pour exprimer la simplicité de l’essence la plus simple, il n’y en a guère de meilleure possible. — Eh bien ! ces monades (ou points initiaux), l’expérience nous