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decin, par des soins énergiques et prompts, fit disparaître en une heure et demie ces symptômes. Le soir, l’accès était passé. — Le malade était dans son fauteuil, qu’il ne quitta plus pour son lit. Il fit avec calme quelques réflexions, et Vogel lui ayant annoncé qu’une récompense, dont Goethe avait appuyé la demande, venait d’être accordée par le grand-duc, il montra de la joie. Déjà dans la journée, sans que le médecin le sût, il avait signé d’une main tremblante le bon de payement d’un secours destiné à une jeune fille de Weimar, artiste pleine de talent pour laquelle il avait toujours montré une sollicitude paternelle, et qui allait à l’étranger achever son éducation. Ce fut là son dernier acte comme ministre des Beaux-Arts ; ce fut la dernière fois qu’il écrivit son nom.

Dans la matinée du jour suivant, jusqu’à onze heures, il y avait eu du mieux ; mais, à partir de ce moment, l’état empira ; les sens commencèrent à refuser parfois leur service ; il y eut des instants de délire, et de temps en temps dans sa poitrine on entendait un bruit sourd. Cependant Goethe semblait moins accablé. Toujours assis dans son fauteuil, il répondait clairement et d’un ton amical aux questions qui lui étaient faites, questions que le médecin ne permettait que rarement, pour ne pas troubler par une trop grande excitation une fin qui dès lors paraissait inévitable. — Il fit placer une table auprès de lui, et demanda le livre de Salvandy (Seize mois) ; il se mit à le feuilleter, mais il se sentit bientôt trop faible pour lire et le quitta. — Le portrait de la comtesse de Vaudreuil, femme de l’ambassadeur français, arriva ce jour-là d’Eisenach. Le médecin permit qu’on le lui montrât. Il se plut à le contempler quelque temps, puis il dit : « Oui, l’artiste mérite des éloges, il n’a pas