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principes des deux systèmes et cherchent autant qu’il leur est possible à les concilier dans leur esprit.

« Cet éclectisme ne doit pas être confondu avec cette nullité intellectuelle qu’une absence complète de tout penchant propre et intime fait agir comme les oiseaux que l’on voit formant leur nid de tout ce que le hasard leur présente ; une construction fabriquée ainsi de débris déjà morts ne peut jamais se lier à un ensemble vivant. Toutes les philosophies de ce genre n’ont dans le monde aucune valeur ; elles ne sont pas des conséquences logiques et ne peuvent conduire elles-mêmes à aucune conséquence.

« Je ne suis pas plus amateur de la philosophie populaire. Il y a un mystère dans la philosophie aussi bien que dans la religion. On doit en épargner la connaissance au peuple, et surtout on ne doit pas le forcer pour ainsi-dire à s’enfoncer dans pareille recherche. Épicure dit quelque part : « Ceci est juste, car le peuple le trouve mauvais. » — Depuis la réforme, les mystères ont été livrés à la discussion populaire, on les a ainsi exposés à toutes les subtilités captieuses de l’étroitesse de jugement, et on ne peut pas encore dire quand finiront les tristes égarements d’esprit qui en sont résultés. — Le degré moyen de l’intelligence humaine n’est pas assez élevé pour qu’on puisse lui soumettre un aussi immense problème et pour qu’elle soit choisie comme dernier juge en pareille matière. Les mystères, et surtout les dogmes de la religion chrétienne, se rattachent aux problèmes les plus profonds de la philosophie, et ils n’en diffèrent absolument que par l’enveloppe de faits extérieurs dont on les a recouverts. — Aussi, suivant le point de vue que l’on prend, tantôt on appelle la théologie une