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de révérer le soleil, je réponds encore : Certainement ! car il est aussi une révélation de la divinité suprême, et même la révélation la plus puissante qu’il nous soit donné de connaître à nous, enfants de la terre. Je révère en lui la lumière et la force fécondante de Dieu, par laquelle nous vivons, nous nous mouvons, nous sommes, nous et les plantes et les animaux avec nous. Que l’on me demande si je suis disposé à me courber devant l’os du pouce de l’apôtre Pierre ou Paul, je réponds : Épargnez-moi, et laissez-moi avec vos absurdités !… « N’éteignez pas l’esprit, » dit l’apôtre.

« Il y a bien des niaiseries dans les maximes de l’église. Mais elle veut être souveraine, et il lui faut une masse d’esprits bornés qui se courbent devant elle et soient disposés à la laisser dominer. Le haut clergé, richement doté, ne craint rien tant que de voir la lumière pénétrer dans les basses classes. Il a longtemps, aussi longtemps qu’il l’a pu, refusé de lui communiquer la Bible ; qu’est-ce que le pauvre fidèle dans sa paroisse chrétienne aurait pu penser de la magnificence princière d’un évêque richement renté, quand il voit dans les évangiles la pauvreté, l’indigence du Christ, qui allait humblement à pied ainsi que ses disciples, tandis que l’évêque roule comme un prince dans un bruyant carrosse à six chevaux ?


« Nous ne savons pas tout ce que nous devons à Luther et à la réforme en général. Nous avons été délivrés des chaînes de l’étroitesse intellectuelle, notre éducation a marché, et nous sommes devenus capables de remonter à la source et de concevoir le christianisme dans sa pureté. Nous avons eu de nouveau le courage de marcher hardiment sur cette terre de Dieu et de sentir en nous