Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t2, trad. Délerot.djvu/311

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Lundi, 6 juin 1831.

Goethe m’a montré aujourd’hui le commencement du cinquième acte de Faust, J’ai lu jusqu’au passage où la hutte de Philémon et de Baucis est brûlée, et où Faust, debout, la nuit, sur le balcon de son palais, sent la fumée qu’un vent léger lui apporte. — « Les noms de Philémon et de Baucis, lui dis-je, me transportent sur la côte phrygienne, et je pense à ce couple célèbre de l’antiquité, cependant la scène se passe dans l’ère chrétienne, et le paysage est moderne. » — « Mon Philémon et ma Baucis, dit Goethe, n’ont aucun rapport avec ce célèbre couple et avec la tradition qu’il rappelle. J’ai donné ces noms à mes deux époux uniquement pour relever leur caractère. Comme ce sont des personnages et des situations semblables, la ressemblance des noms a un effet heureux. »

Nous parlons ensuite de Faust, que le péché originel de son caractère, le mécontentement, n’a pas abandonné dans sa vieillesse, et qui, avec tous les trésors du monde, dans un nouvel empire qu’il a créé lui-même, est gêné par quelques tilleuls, une chaumière et une clochette, parce qu’ils ne sont pas à lui. Il rappelle le roi Achab, qui croyait ne rien posséder, s’il ne possédait pas la vigne de Naboth.

« Faust, dans ce cinquième acte, dit Goethe, doit selon

    morphisme. Les instincts des animaux ne sont pas par eux transformés en instincts humains, mais ils mettent en saillie ce qu’il y a d’humain dans l’animal ; nous pouvons ainsi goûter dans leurs compositions de hautes jouissances artistiques ; nous obéissons déjà nous-mêmes à ce sentiment naturel quand nous nous plaisons à choisir pour nos compagnons et pour nos serviteurs des animaux vivants… Ce qui me séduit dans la Vache de Myron (représentée allaitant, c’est qu’elle se montre animée du sentiment maternel. » (Propylées.)