Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t2, trad. Délerot.djvu/309

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mercredi, 25 mai 1831.

Nous avons causé du Camp de Wallenstein. J’avais souvent entendu dire que Goethe avait travaillé à cette pièce, et que le sermon du capucin surtout était de lui. Je lui demandai à dîner s’il en était ainsi, et il me répondit : « Au fond, tout est de Schiller, cependant, comme nous vivions dans de telles relations que Schiller non-seulement causait avec moi de son plan, mais me communiquait les scènes à mesure qu’elles avançaient, écoutait mes remarques et en profitait, il peut se faire que j’aie quelque part à cette pièce. Pour le sermon du capucin, je lui ai envoyé les Discours d’Abraham de Santa-Clara, et il en a extrait son sermon avec beaucoup d’adresse. Je ne sais plus quels sont les passages de moi, sauf les deux vers : « Un capitaine, tué par un de ses collègues, me légua deux dés heureux. » Je voulais expliquer comment le paysan était arrivé en possession de ces dés pipés, et j’écrivis de ma main ces deux vers sur le manuscrit. Schiller n’avait pas eu cette idée ; il donnait tout simplement les dés au paysan, sans se demander comment il les possédait. Je vous l’ai déjà dit, tout expliquer avec soin n’était pas son affaire, et voilà peut-être pourquoi ses pièces produisent tant d’effet sur le théâtre. »

Dimanche, 29 mai 1831.

Goethe me parle d’un enfant qui ne pouvait se consoler d’avoir commis une faute légère. — « Ce chagrin ne me plaît pas, dit-il, car il indique une conscience trop délicate, qui apprécie si haut son moi moral qu’elle ne peut rien lui pardonner. Une conscience pareille fait des