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époques un peu troubles. Dans une ville de prose bien claire, comme Berlin, il n’aurait guère occasion de se manifester. »

Je lui parlai de sa Biographie, que je lis et comprends mieux tous les jours : « C’est un livre, lui dis-je, qui sert énormément à notre développement intérieur. »

— « Ce n’est absolument que la collection des résultats de mon existence, et les faits que je raconte ne sont là que pour servir de base à des observations générales et à des vérités plus élevées. »

— « J’ai trouvé très-remarquable ce que vous dites entre autres de Basedow, qui poursuivait un noble but, mais qui blessait en déclarant méprisables des croyances religieuses auxquelles certaines personnes tiennent beaucoup, tandis qu’il aurait dû, au contraire, user de précautions pour se les rendre favorables. »

— « Dans ce livre, dit Goethe, il doit y avoir, selon moi, bien des passages où la vie humaine est peinte sous des symboles. Je l’ai appelé Vérité et Poésie, parce qu’il s’élève, par ses hautes tendances, au-dessus d’une basse réalité. Par esprit de contradiction, Jean-Paul a intitulé les récits de sa vie : Vérité. Comme si la vérité que renferme la vie d’un homme tel que lui pouvait être autre chose, sinon que l’auteur a été un Philistin ! Mais les Allemands ne savent pas comprendre tout de suite ce qui est un peu en dehors des habitudes ordinaires, et ce qui est élevé passe souvent devant eux sans qu’ils l’aperçoivent. — Un fait de notre vie n’a aucune valeur par sa vérité, il en a par ce qu’il signifie [1]. »

  1. Comparer Ier vol., page 131.