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ciens que chez les peintres. Il se montre chez Paganini à un haut degré, et c’est là ce qui explique les grands effets qu’il produit. »

Ces explications m’étaient très-précieuses, car elles me rendaient plus saisissable ce que Goethe entend par le démoniaque.

Jeudi, 3 mars 1831.

À midi chez Goethe. En examinant des livraisons d’architecture, il a dit qu’il fallait une certaine présomption pour construire des palais, quand on ne sait jamais avec certitude combien de temps une pierre restera debout sur l’autre. « C’est celui qui peut vivre sous une tente qui est le mieux établi. Ou bien il faut faire comme certains Anglais, qui vont de ville en ville, d’auberge en auberge, et trouvent partout une bonne table bien garnie. »

Dimanche, 6 mars 1831.

Dîné avec Goethe. Nous avons causé entre autres choses des enfants et de leurs petits défauts que Goethe compare aux feuilles caulinaires d’une plante ; feuilles qui tombent peu à peu d’elles-mêmes, et dont on ne s’occupe guère. « L’homme, a-t-il dit, doit parcourir un certain nombre de degrés, et chaque degré a ses vertus et ses vices particuliers, qu’il faut considérer alors comme naturels et pour ainsi dire légitimes. À chaque degré vertus et vices disparaissent et cèdent la place à d’autres. Et ainsi de suite jusqu’à la dernière transformation qui amènera en nous un changement que nous ignorons. »

Au dessert Goethe me lut quelques fragments du