Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t2, trad. Délerot.djvu/278

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

était exposé à rejeter comme inutiles dans le cours des profondes recherches qu’il institua plus tard sur lui-même, sur le monde et sur la nature ; ce furent les germes naissants et les racines d’une plante qui grandit de longues années dans une direction toujours uniformément bonne, et qui enfin se déploya en fleur de riche connaissance.

Ses adversaires lui ont souvent reproché de n’avoir aucune foi. Il n’avait pas la leur, parce qu’elle était trop étroite pour lui. S’il avait voulu dire la sienne, ils auraient été étonnés, mais n’auraient pas été capables de la comprendre[1].

Goethe est bien éloigné de croire qu’il connaît l’être suprême tel qu’il est. Tous ses écrits, toutes ses paroles, disent qu’il est impénétrable, et que l’homme ne peut avoir sur lui que des approximations et des pressentiments. Mais la nature et les hommes sont tellement pénétrés de divin, que ce divin nous soutient ; « nous vivons, nous nous mouvons, et nous existons en lui ; » nos souffrances et nos joies obéissent à des lois éternelles, que nous suivons ou qui nous entraînent. Que nous les connaissions ou les ignorions, peu importe. Le gâteau plaît à l’enfant, sans qu’il sache qui l’a fait, et la cerise plaît au passereau, sans qu’il s’inquiète de la manière dont elle a poussé.

  1. À propos d’un livre de M. de Hengstenberg contre les Affinités, Goethe écrivait à Zelter, le 31 octobre 1831 : « J’ai toujours exécré les dévots hypocrites, et tout ce que je connais des Berlinois me les fait maudire, il est donc juste qu’ils me mettent au ban de leur empire. — Il y en a un de leur bande qui, dernièrement, voulait me prendre au corps et qui parlait de panthéisme ; comme il touchait juste !… Je lui répondis en lui disant avec une grande simplicité : « Je n’ai pas encore rencontré une personne sachant ce que ce mot signifie. »