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telligence, la raison même. Toutes les créatures en sont pénétrées, et l’homme en a en lui-même autant qu’il peut reconnaître de parties de l’être suprême. »

En dînant, nous causâmes des travaux de certains naturalistes, qui, pour décrire le monde organisé, veulent partir de la minéralogie. « C’est là une grande erreur, dit Goethe. Dans le monde minéralogique, la simplicité extrême est l’extrême beauté ; dans le monde organique, c’est la complexité extrême. On voit donc que les deux mondes ont deux directions tout à fait différentes, et qu’on ne peut point passer par degrés de l’un à l’autre. »

Jeudi, 24 février 1831.

En dînant, Goethe m’a dit : « Ce qu’il y a de difficile dans la nature, c’est d’apercevoir la loi là même où elle se cache à nous, et de ne pas se laisser égarer par des phénomènes en contradiction avec le témoignage de nos sens. Car dans la nature bien des faits sont contestés par nos sens et cependant sont vrais. S’il y a quelque chose de contraire au témoignage de nos sens, c’est assurément que le soleil soit immobile, ne se lève pas, ne se couche pas, et que la terre tous les jours tourne sur elle-même avec une inconcevable rapidité ; cependant aucun homme instruit ne doute qu’il n’en soit ainsi. Il y a dans le règne végétal des phénomènes de ce genre, et il faut prendre garde de se laisser engager par eux dans une voie fausse. »

Lundi, 28 février 1831.

Je me suis occupé toute la journée du manuscrit du quatrième volume de la biographie de Goethe, qu’il m’a envoyé hier, pour voir ce qu’on pourrait encore y faire.