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d’être traduit en danois, que quarante mille exemplaires ont été vendus, et qu’on l’a introduit en Prusse dans les principales écoles. Il me prie de lui faire visite, ce que je promets avec plaisir.

En dînant avec Goethe, je parle de Schwabe, et Goethe fait son éloge avec moi. — « La grande-duchesse, dit-il, l’apprécie beaucoup, et elle connaît bien ses gens. Je ferai dessiner son portrait pour ma collection, et vous ferez très-bien d’aller le voir, et de lui demander de vous recevoir souvent. Voyez-le, écoutez-le vous exposer tout ce qu’il fait et veut faire. Il sera intéressant pour vous de jeter un coup d’œil dans une sphère d’activité dont on ne peut avoir aucune idée nette, si on n’a pas eu des relations intimes avec un homme comme lui. »

Je le promis, car faire la connaissance des hommes qui travaillent dans un esprit d’utilité pratique a toujours été dans mes goûts.

Mercredi, 23 février 1831.

Avant dîner, je me promenais sur la route d’Erfurt, je rencontrai Goethe qui fit arrêter et me prit dans sa voiture. Nous montâmes jusqu’au bois de sapins, en causant d’histoire naturelle. Toutes les collines que l’on apercevait au loin étaient couvertes de neige, et je fis remarquer que, vu dans l’éloignement, un objet sombre se revêtait d’une teinte bleuâtre plus facilement qu’un objet blanc d’une teinte jaune. Goethe fut de mon avis, et bientôt nous nous trouvâmes amenés à parler de la haute importance des phénomènes primordiaux, derrière lesquels on croit apercevoir immédiatement la Divinité.

« Je ne demande pas, dit Goethe, si cet être suprême a l’intelligence et la raison, mais je sens qu’il est l’in-