Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t2, trad. Délerot.djvu/256

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Pour le vide qui s’étend d’Hélène jusqu’au cinquième acte, qui est terminé, je vais faire un plan bien détaillé, afin de travailler ensuite tranquillement, bien à mon aise, aux passages qui me plairont le plus. Cet acte a maintenant une physionomie originale, il forme comme un petit monde à part, qui ne se lie que par un fil léger à ce qui précède et à ce qui suit. »

— « C’est là aussi le caractère des autres actes, dis-je, car au fond les scènes de la cave d’Auerbach, de la cuisine des Sorcières, du Bloksberg, du conseil de l’Empire, de la mascarade, du papier-monnaie, du laboratoire, de la nuit classique de Walpurgis, d’Hélène, forment toutes de petits mondes qui, tout en s’influençant mutuellement, restent indépendants. Le poète cherche avant tout à tracer des peintures variées ; il choisit une fable et un héros seulement pour lier entre eux les tableaux qu’il veut tracer. Cela est vrai pour l’Odyssée comme pour Gil Blas. »

« — Vous avez parfaitement raison, dit Goethe, aussi dans une pareille composition, il s’agit simplement de donner à chaque partie une physionomie nette et bien expressive ; quant à l’ensemble, il reste incommensurable, mais comme ces problèmes insolubles que les hommes se sentent entraînés à sonder sans cesse. »

Je lui parlai d’une lettre d’un jeune militaire que j’avais, avec d’autres amis, engagé à prendre du service à l’étranger, et qui, n’ayant pas trouvé à son goût sa position, querellait tous ceux qui lui avaient donné ce conseil. Goethe me dit : « Donner des conseils, c’est là une chose bien singulière ; quand on a vu comment dans ce monde échouent les plans les mieux combinés, tandis que les moyens les plus absurdes conduisent au but, on se récuse