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ne pas oublier, quand il vit à Rome et à Naples, les pauvretés de la littérature allemande, c’est impardonnable ! L’Œdipe romantique, surtout par la partie technique, prouve que Platen était l’homme le mieux fait pour écrire la tragédie allemande, mais après avoir parodié dans cette pièce tous les ressorts tragiques, comment pourrait-il maintenant écrire sérieusement une tragédie ? Et puis, ce qu’on oublie trop, ces discussions envahissent l’âme ; les images de nos ennemis deviennent des fantômes qui se mêlent à toutes nos œuvres, et apportent le désordre dans une nature délicate et tendre. Le goût pour la polémique a tué Byron, et pour l’honneur de la littérature allemande, Platen devrait se détourner d’une voie aussi funeste. »

Samedi, 12 février 1831.

Je lis le Nouveau Testament ; Goethe me montrait ces jours-ci un dessin représentant le Christ marchant sur la surface de la mer, et saint Pierre qui, en allant au-devant de lui, dans un instant de doute, commence à enfoncer ; il m’a dit : « C’est là une des plus belles légendes, une de celles que j’aime le mieux. Elle exprime cette haute pensée, que l’homme, par la foi et le courage triomphe des entreprises les plus difficiles, tandis que si le doute le fait chanceler tant soit peu, il est perdu. »

Dimanche, 13 février 1831.

Dîné avec Goethe. Nous causons de Faust. Il a réussi le commencement comme il le désirait. — « Ce qui devait arriver, je l’avais décidé depuis longtemps, comme vous le savez, mais je n’étais pas encore entièrement satisfait des détails qui amenaient ces faits, je suis content aujourd’hui, parce que de bonnes idées me sont venues.