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tout en mouvement. J’allai chez Goethe dans le cours de l’après-midi. « Eh bien, me cria-t-il en me voyant, que pensez-vous de ce grand événement ? Le volcan a fait explosion : tout est en flammes, ce n’est plus un débat à huis clos ! »

« C’est une terrible aventure ! répondis-je. Mais dans les circonstances pareilles, avec un pareil ministère, pouvait-on attendre une autre fin que le renvoi de la famille royale actuelle ? »

« Nous ne nous entendons pas, mon bon ami, dit Goethe. Je ne vous parle pas de ces gens là, il s’agit pour moi de bien autre chose ? Je vous parle de la discussion, si importante pour la science, qui a éclaté publiquement dans l’Académie entre Cuvier et Geoffroy St-Hilaire. »

J’attendais si peu ces paroles de Goethe que je ne sus quoi répondre, et pendant quelques minutes je restai muet et tout interdit. Goethe continuait : « Le fait est de la plus extrême importance, et vous ne pouvez vous faire une idée de ce que j’ai éprouvé à la nouvelle de la séance du 19 juillet. Maintenant nous avons pour toujours dans Geoffroy St-Hilaire un puissant allié. Je vois aussi combien est grand l’intérêt que le monde scientifique en France prête à cette affaire puisque, malgré la terrible agitation de la politique, la salle était pleine à la séance du 19 juillet. La méthode synthétique introduite par Geoffroy St-Hilaire ne reculera plus maintenant, voilà ce qui vaut mieux que tout. Aujourd’hui, par cette libre discussion dans l’Académie, en présence d’un auditoire nombreux, la question est devenue publique, elle ne se laissera plus reléguer dans des comités secrets ; on ne la terminera plus et on ne l’étouffera plus à huis-clos. Désormais, en France aussi, dans l’étude de la nature,