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élevé que lorsqu’il est bas ; comme je sais cela, quand le baromètre est bas, je cherche par une tension plus forte de mon esprit à combattre l’influence mauvaise, et j’y réussis. — Mais cependant, pour la poésie, on ne peut pas toujours se forcer ainsi, il faut attendre que des heures favorables nous donnent ce que nous ne pourrions atteindre par la volonté. Aussi, pour ma Nuit de Walpurgis, je me donne du temps, pour que tout ait la force et la grâce que je cherche. J’avance et j’espère finir avant votre départ. J’ai donné aux allusions une couleur si générale que le lecteur ne pourra pas deviner à qui précisément elles se rapportent. J’ai tâché cependant que tout fût écrit dans le goût de l’antiquité, en traits précis et clairs, et que rien ne ressemblât au vague et à l’incertitude romantiques. Cette division de la poésie en classique et romantique, qui aujourd’hui s’est répandue dans le monde entier et a amené tant de discussions et de discordes, vient originairement de moi et de Schiller. J’avais pour maxime en poésie de procéder toujours objectivement. Schiller, au contraire, n’écrivait rien qui ne fut subjectif ; il croyait sa manière bonne, et pour la défendre, il écrivit l’article sur la poésie naïve et la poésie sentimentale. Il me prouva que malgré moi j’étais romantique et que mon Iphigénie, par la prédominance du sentiment, n’était pas si classique et si antique qu’on le croyait peut-être. Les Schlegel saisirent cette idée, la développèrent, et peu à peu elle s’est répandue dans le monde entier ; chacun parle de romantisme et de classicisme ; il y a cinquante ans personne n’y pensait. »

Causant de nouveau du cycle des douze figures, Goethe dit : « Il faudrait représenter Adam comme je vous le disais, mais non pas nu ; je me le représente mieux après le