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regret à vous refuser, mais j’aurais refusé ; vous savez maintenant pourquoi. »

Plus tard, je me suis rappelé bien souvent cette conversation avec Goethe, et jamais elle ne m’est revenue dans l’esprit sans que je ne m’écriasse : « Ô Solon, Solon ! »[1].

Lundi, 15 mars 1830.

Ce soir une petite heure avec Goethe. Il a parlé beaucoup d’Iéna, des dispositions nouvelles et des améliorations qu’il a introduites dans les diverses branches de l’Université. Il a établi des chaires spéciales pour la chimie, la botanique et la minéralogie, qui, autrefois, n’étaient traitées que dans leur rapports avec la pharmacie. Il a surtout amélioré le musée d’histoire naturelle et la bibliothèque.

À cette occasion, il me raconta de nouveau avec beaucoup de satisfaction et de bonne humeur l’histoire de sa prise violente de possession d’une salle attenant à la bibliothèque, salle que la Faculté de médecine possédait et ne voulait pas abandonner.

« La bibliothèque, dit-il, était dans un très-mauvais état. Le local était humide, étroit et mal approprié pour abriter convenablement ses trésors. L’achat de la bibliothèque Büttner par le grand-duc l’avait encore augmentée de treize mille volumes, qui gisaient en gros tas à terre parce que l’espace manquait pour les ranger. J’étais vrai-

  1. Rückblicke in mein Leben, von Heinrich Luden. Iéna, 1847 (p. 113123). — Dès que Napoléon eut été vaincu, les souverains allemands s’empressèrent d’oublier toutes les promesses de liberté qu’ils avaient faites à leurs peuples pour les entraîner à la guerre, et peu à peu l’influence pesante de la Russie remplaça en Allemagne l’influence française. — Voir encore sur ce même sujet une convertation avec Falk, traduite par M. Blaze de Bury (Faust, collection Charpentier, page 115.)