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assez le remercier. Il montrera cette collection aux voyageurs qui passent par Weimar, et se fera renseigner par eux sur les personnes dont il a le portrait et qui lui sont encore inconnues.

La caisse contenait aussi un ballot de livres ; nous le fîmes porter dans la chambre voisine, où nous nous mîmes à table. Nous étions contents, et nous parlâmes de divers travaux et projets. « Il n’est pas bon que l’homme soit seul, dit Goethe, et surtout il n’est pas bon qu’il travaille seul ; il a besoin, pour réussir, qu’on prenne intérêt à ce qu’il fait, qu’on l’excite. Je dois à Schiller mon Achilléide, beaucoup de mes Ballades, car c’est lui qui me les a fait écrire, et si je finis la seconde partie de Faust, vous pouvez vous l’attribuer. Je vous l’ai dit déjà souvent, mais je veux que vous le sachiez bien et je vous le répète. » Ces paroles me rendirent heureux, car je sentais qu’elles renfermaient beaucoup de vérité.

Au dessert, Goethe ouvrit un des paquets. Il contenait les poésies d’Émile Deschamps, accompagnées d’une lettre que Goethe me donna à lire. Je vis alors avec joie quelle influence on reconnaissait à Goethe sur la nouvelle vie de la littérature française ; les jeunes poëtes le vénèrent et l’aiment comme leur chef spirituel. Telle avait été l’influence de Shakspeare pendant la jeunesse de Goethe. On ne peut pas dire de Voltaire qu’il ait eu de l’influence sur les poètes étrangers, qu’il leur ait servi de centre de réunion, et qu’ils aient reconnu en lui un maître et un souverain. — La lettre d’Émile Deschamps était écrite avec une très-aimable et très-cordiale aisance. « Elle laisse jeter un coup d’œil sur le printemps d’une belle âme, » dit Goethe.

Parmi les envois de David se trouvait un dessin repré-