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fait de belles observations sur les moyens d’éviter le réel pour ne pas nuire aux effets de l’art. Le dessus de cette tonne est en pleine lumière ; on voit aux gestes des hommes que les dés viennent d’être jetés, mais ils ne sont pas dessinés sur la tonne, parce qu’ils auraient, en brisant la lumière, produit un effet fâcheux.

Regardé ensuite les études de Ruysdaël pour son Cimetière, études qui montrent le mal que se donnait un pareil maître.

Dimanche, 21 février 1830.

« J’ai résolu, m’a dit Goethe, de ne lire ni le Globe ni le Temps pendant un mois. Les choses en sont à un tel point que d’ici là il doit arriver quelque événement ; j’attendrai que la nouvelle m’en vienne du dehors. Ma Nuit classique de Walpurgis y gagnera, et d’ailleurs ce sont des affaires auxquelles on s’intéresse sans rien en retirer, ce qu’on oublie trop souvent[1]. »

  1. Le 29 avril 1830, il écrira à Zelter : « Depuis six semaines, j’ai laissé sous leur bande les journaux français et allemands, et je ne peux dire combien de temps j’ai gagné et tout ce que j’ai fait… À bien examiner, c’est, pour un simple particulier, se conduire en Philistin (es ist eine Philisterei) que d’accorder trop d’attention à ce qui n’est pas notre affaire… Les derniers volumes de mes œuvres sont maintenant entre les mains des imprimeurs ; je laisse presque entièrement de côté lettres et réponses, même les plus nécessaires. Je peux te dire à l’oreille que j’ai le bonheur, dans mon âge avancé, de voir naître en moi des pensées qui mériteraient une seconde existence pour être poursuivies et mises à exécution. Aussi, tant que la lumière du jour ne sera pas éteinte pour nous, nous ne voulons pas nous laisser entraîner à des occupations étrangères. » — Parmi ses pensées, on trouve celle-ci, qui date évidemment de 1830 : « Lorsque, pendant quelques mois, on n’a pas lu les journaux et qu’on les lit tous de suite en une fois, on voit alors combien on perd de temps avec ces papiers. Le monde a toujours été divisé en partis ; il l’est surtout maintenant ; pendant chaque crise douteuse, les journalistes flattent plus ou moins l’un ou l’autre parti ; ils fournissent des aliments aux af-