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lade ; on lui dépeignait le danger qu’elle avait couru ; elle répondit très-tranquillement : Eh bien ! et après ? Est-ce que je n’aurais laissé dans ce monde que des immortels ! — Elle vécut encore plus de soixante-dix ans, aimable et aimée, jouissant de toutes les joies de la vie, conservant toujours l’esprit paisible qui la caractérisait, et sachant se préserver de toutes les émotions violentes qui consument l’existence. Ninon savait comment il faut s’y prendre ! Peu de gens savent faire comme elle ! »

Il nous donna alors une lettre du roi de Bavière, qu’il a reçue aujourd’hui, et qui semble ne pas peu contribuer à lui donner l’énergie nécessaire pour rester maître de ses émotions. « Lisez, dit-il, et avouez que la bienveillance que le roi continue à me témoigner, ainsi que le vif intérêt qu’il prend aux progrès de la littérature et au développement de l’humanité, sont bien faits pour m’inspirer de la joie. J’ai reçu cette lettre aujourd’hui même ; j’en remercie le Ciel comme d’une faveur toute spéciale. »

Nous parlâmes ensuite du théâtre vénitien de Gozzi, qui donnait à ses acteurs le sujet des pièces, les laissant improviser pour le reste. « Gozzi, dit Goethe, soutenait qu’il ne peut y avoir que trente-six situations tragiques. Schiller s’est donné beaucoup de mal pour en trouver davantage ; il n’en trouva pas même autant que Gozzi. »

Ceci nous amena à un article du Globe, consacré à l’analyse critique du Gustave Wasa d’Arnault. La manière dont l’auteur de l’article avait fait cette analyse plaisait beaucoup à Goethe, et reçut son approbation sans réserves. Le critique s’était contenté d’indiquer toutes les réminiscences de l’auteur, sans attaquer davantage l’auteur et ses principes littéraires. « Le Temps, dit Goethe, ne s’y est pas aussi sagement pris. Il entreprend de montrer