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même environ quatorze ans, et je me rappelle encore très-bien le petit homme avec ses cheveux frisés et son épée. » — J’ouvris de grands yeux ; c’était comme un miracle pour moi d’apprendre que Goethe était assez vieux pour avoir vu Mozart enfant.

* Mercredi, 10 février 1830.

Diné avec Goethe. Nous causons de la Nuit classique de Walpurgis. Goethe est souvent surpris lui-même de certains passages que le travail de la composition l’amène à écrire ; le sujet se développe plus qu’il ne le pensait. « J’en ai écrit un peu plus de la moitié, dit-il, mais je veux la continuer, et j’espère l’avoir finie à Pâques. Vous n’en verrez rien jusque-là ; dès que je l’aurai terminée, je vous la donnerai, vous l’emporterez chez vous, et vous l’examinerez à votre aise. Si vous pouviez disposer le trente-huitième et le trente-neuvième volume de mes œuvres pour Pâques, nous aurions tout l’été à nous, et nous pourrions aborder librement un grand travail. Je ne quitterais pas Faust, et je tâcherais de triompher du quatrième acte. » — Je promis de faire tout mon possible pour que ses vœux puissent se réaliser.

Goethe envoya alors un domestique au château pour savoir des nouvelles de la Grande Duchesse, mère, qui est malade, et dont la situation lui semble dangereuse. « Elle n’aurait pas dû aller voir le cortège des masques, dit-il, mais les princes ont l’habitude d’avoir leurs volontés, et toutes les protestations des médecins et de la cour ont été inutiles ! Elle résiste à la faiblesse de son corps avec cette même énergie de volonté qui lui a servi pour résister à Napoléon[1] ; je pressens ce qui va ar-

  1. Après la bataille d’Iéna, on canonna et on pilla Weimar ; la duchesse