Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t2, trad. Délerot.djvu/159

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à l’ancienne place comme il l’a laissé. Faust prend au croc la vieille pelisse d’étudiant, des milliers de vers et d’insectes s’envolent, et Méphistophélès, en disant où ils se cachent, nous remet clairement devant les yeux le lieu de la scène. Il met la pelisse, pour jouer encore le personnage du maître, pendant que Faust, derrière un rideau, reste paralysé. Il sonne ; la cloche, retentissant dans les salles solitaires du cloître, produit un son si épouvantable que les portes s’ouvrent brusquement et que les murs s’ébranlent. Le famulus se précipite dans la chambre, et trouve assis dans la chaise de Faust Méphistophélès, qu’il ne connaît pas, mais qui lui en impose. Méphistophélès demande des nouvelles de Wagner, qui dans l’intervalle est devenu un homme célèbre et qui espère le retour de son maître. Nous apprenons qu’il est en ce moment dans son laboratoire, profondément occupé à créer un homunculus. Le famulus s’en va ; apparaît le bachelier, le même que nous avons vu quelques années auparavant timide jeune homme, et que Méphistophélès, dans l’habit de Faust, avait raillé. Il est devenu un homme, et si plein de présomption, que Méphistophélès lui-même ne peut pas lui tenir tête ; il recule toujours avec sa chaise, et se tourne enfin vers le parterre.

Goethe lut la scène jusqu’à la fin. J’admirai avec joie cette fécondité juvénile, et la liaison si ferme de toutes ces scènes.

« J’ai conçu ce poëme il y a bien longtemps, depuis cinquante ans je le médite, et les matériaux se sont tellement entassés, que maintenant, l’opération difficile, c’est de choisir et de rejeter. — L’invention de cette seconde partie est réellement aussi ancienne que je vous le dis. Mais le poëme gagnera, j’espère, à n’être écrit