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grande intelligence pratique, se moquent de nous, et gagnent le monde. On connaît leurs déclamations contre la traite des esclaves, et pendant qu’ils veulent nous persuader que leur conduite a pour motifs des raisons d’humanité, il se découvre que le vrai motif est tout à fait positif, comme tous les motifs qui déterminent les Anglais ; on le savait déjà, et on devait le savoir encore une fois. À la côte occidentale d’Afrique, ils emploient eux-mêmes les nègres dans leurs grandes possessions. Il est donc contre leurs intérêts qu’on aille les leur enlever. En Amérique ils ont eux-mêmes établi de grandes colonies de nègres, qui rapportent beaucoup, et qui donnent chaque année un grand revenu en esclaves. Ils suffisent avec eux aux besoins de l’Amérique du Nord, gagnent ainsi beaucoup par le commerce, et l’importation par des étrangers nuirait beaucoup à leurs intérêts commerciaux ; ainsi ce n’est pas sans bons motifs qu’ils prêchent contre ce trafic inhumain. Encore au congrès de Vienne l’ambassadeur anglais le combattait très-vivement, mais l’ambassadeur portugais fut assez habile pour répondre bien tranquillement qu’on ne s’était pas réuni, à sa connaissance, pour établir un tribunal universel du monde, ou pour fixer les principes de la morale. Il connaissait parfaitement bien le but anglais, et il avait aussi le sien, qu’il savait défendre et atteindre. »

Mardi 1er septembre 1829.

Aujourd’hui, après dîner, Goethe m’a lu la première scène du second acte de Faust. L’impression produite sur moi a été grande, et m’a rendu intérieurement bien heureux. Nous sommes de nouveau transportés dans le cabinet d’études de Faust, et Méphistophélès trouve tout