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tière s’étend là devant vous ; la colline est si haute que, vers l’orient et le midi, on la domine tout entière. Je suis allé dans cette Villa, et j’ai souvent joui du coup d’œil que l’on a de ses croisées. Ici, au delà du Tibre, où la ville forme une pointe, c’est Saint-Pierre, et à côté le Vatican. Vous voyez que de ses fenêtres le roi les aperçoit. Cette longue route-là, c’est celle qui vient d’Allemagne ; voici la Porte du Peuple ; j’ai demeuré au coin d’une de ces premières rues ; maintenant, à Rome, on montre une autre maison comme ayant été la mienne, mais cela ne fait rien ; ces choses-là sont parfaitement indifférentes, et il ne faut pas gêner le cours de la tradition. »

Nous revînmes dans la première pièce. — « Le chancelier, dis-je, sera content de cette lettre du roi. » — « Il la verra, dit Goethe. Quand je lis, dans les nouvelles de Paris, les discours et les débats des Chambres, continua-t-il, je pense toujours au chancelier ; il serait là à sa vraie place et dans son élément. Car il faut non-seulement avoir l’intelligence, mais encore l’envie et le goût de parler, et tout cela se trouve réuni chez le chancelier. Napoléon avait aussi ce goût de la parole, et quand il ne pouvait pas parler, il lui fallait écrire ou dicter. Nous voyons que Blücher aussi parlait volontiers, et il parlait bien, avec énergie ; c’est un talent qu’il avait développé dans la Loge maçonnique. Notre grand-duc aimait aussi à parler, quoiqu’il fût d’un naturel laconique, et, quand il ne pouvait pas parler, il écrivait. Il a écrit beaucoup de traités et de règlements, presque toujours très-bons ; seulement un prince n’a pas assez de temps et de repos pour acquérir en toutes choses la connaissance nécessaire des détails. Ainsi, encore dans ses dernières années, il avait fait un règlement sur le prix que l’on