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met sous cette enveloppe superbe les trésors d’une âme élevée, on a le droit d’attendre quelque chose d’excellent. — Je suis content que le roi ait fait à Rome une aussi jolie acquisition. Je connais la Villa, la position est très-belle, et tous les artistes allemands habitent dans le voisinage. »

Le domestique changeait les assiettes, Goethe lui dit d’étendre par terre dans la salle du Plafond le grand plan gravé de Rome. « Je veux vous montrer le bel endroit que le roi a choisi, pour que vous vous représentiez bien le site. »

« Hier soir, dis-je, j’ai lu Claudine de Villa Bella, et avec le plus grand plaisir. La situation est si bien peinte, il y a dans les scènes tant d’heureuse audace, tant de libre hardiesse que je me sentais le plus vif désir de la voir sur la scène. » — « Quand cela est bien joué, dit Goethe, l’effet produit est assez bon. » — « Par qui la musique a-t-elle été écrite ? » — « Par Reichardt, et elle est très-bonne. L’instrumentation est dans le goût du temps, un peu faible aujourd’hui ; il faudrait la rendre plus forte, plus pleine. Le compositeur a surtout réussi dans notre chanson : « Cupidon, enfant effronté, entêté — » — « Ce qu’il y a de singulier dans cette chanson, dis-je, c’est que lorsqu’on la récite, elle plonge l’âme dans un état rêveur très-doux. » — « C’est bien aussi d’une pareille disposition qu’elle est née, et il est naturel qu’elle l’inspire. »

Nous avions fini de dîner. Frédéric vint dire que le plan de Rome était disposé. Nous allâmes le voir. L’image de la grande métropole du monde était devant nous ; Goethe trouva très-vite la Villa Ludovisi, et, dans le voisinage, la nouvelle propriété du roi, la Villa di Malta.

— « Voyez-vous, dit Gœthe, cette situation ! Rome en-