Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t2, trad. Délerot.djvu/134

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

précieux trésors d’art, des édifices, avec l’enthousiasme d’un connaisseur qui connaît la vraie beauté, qui a à cœur son progrès, et qui est blessé douloureusement de toute déviation du bon goût. Dans cette belle lettre, les sentiments, les expressions respiraient quelque chose de naturel et de simple que l’on attend peu de personnes aussi élevées. J’exprimai, à ce sujet, ma joie à Goethe. « Vous voyez là, dit-il, un monarque qui, avec sa majesté royale, a sauvé le beau naturel d’homme qu’il avait reçu en naissant. C’est un phénomène rare, et, par cela même, plus fait pour nous réjouir. » — J’examinai encore la lettre, et trouvai de nouveaux passages remarquables. — « Ici, à Rome, écrit le roi, je me repose des soucis du trône ; l’art, la nature sont mes réjouissances de chaque jour, et des artistes sont mes commensaux. » — Ailleurs il écrit qu’il passe souvent devant la maison où Goethe a habité, et qu’il pense ainsi souvent à lui. — Il fait quelques citations des Élégies romaines, qui montrent qu’il les possède bien et les relit de temps en temps, à Rome, aux endroits favorables. « Oui, dit Goethe, il a une affection particulière pour les Élégies ; il m’a beaucoup tourmenté pour que je lui dise ce qu’elles contiennent de réellement vrai, parce qu’il trouve à ces poésies le charme que la vérité possède. — On se rappelle rarement que presque toujours ce sont des circonstances très-insignifiantes qui fournissent au poète ses œuvres les meilleures. — Je voudrais avoir les poésies du roi[1] pour lui en parler un peu dans ma réponse. D’après le peu que j’en ai lu, elles seront bonnes. Pour la forme et le procédé, il tient beaucoup de Schiller, et s’il

  1. Le premier recueil parut en 1829, Ces poésies sont souvent très-élevées par la pensée, mais le style est rude, obscur et sans charme.