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« avec des ailes. » — Regardez maintenant derrière vous, il y a sur ce papier une ébauche de l’ensemble que j’ai faite au crayon. »

Je pris la feuille et examinai le dessin. — Les armoiries faisaient très-bon effet. Le champ inférieur montrait les créneaux de la tour d’un mur de ville, pour indiquer que Zelter autrefois avait été un bon maçon. Au-dessus, un cheval ailé s’envolait vers le ciel, symbole de son génie et de son élan vers les régions supérieures. Au-dessus de l’écu était placée une lyre, surmontée d’une étoile, symbole de l’art dans lequel cet excellent ami, sous l’influence et la protection des astres favorables, s’était acquis de la célébrité. Sous l’écu était suspendu l’insigne de l’ordre dont son roi l’avait honoré, pour reconnaître ses grands mérites.

« — Je l’ai fait graver par Facius ; vous en verrez une épreuve. N’est-ce pas gentil qu’un ami fasse les armes de son ami, et lui donne pour ainsi dire la noblesse ? » — Cette pensée nous fit plaisir, et Goethe envoya chercher chez Facius une épreuve. Nous restâmes encore un peu de temps à table, prenant avec de bons biscuits quelques verres de vieux vin du Rhin. Goethe bourdonnait des paroles que je n’entendais pas. La poésie d’hier me revint en tête, et je récitai :

Tu as déplacé, dérangé tout mon ménage ! Je cherche, je suis comme un aveugle, je suis perdu.

« — Je ne peux pas me séparer de cette poésie, dis-je, elle est extrêmement originale, et exprime admirablement le désordre que l’amour amène dans notre existence.

« — Elle peint un certain abattement d’âme, » dit Goethe. — « Elle me fait le même effet qu’un tableau