Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t2, trad. Délerot.djvu/109

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ses opinions ; je lui dis donc que ses théories sur les ombres bleues de la neige et sur les doubles ombres colorées ne me paraissaient pas tout à fait fondées. Comme il ne m’a pas été donné de développer assez clairement mes idées par la parole, je me bornai à dire le résultat de mes observations sans entrer davantage dans la discussion des détails, ce que je me réservai de faire par écrit. — À peine avais-je commencé à parler que le visage serein et calme de Goethe s’assombrit, et je vis trop clairement qu’il n’accueillait pas mes critiques. — « Certes, dis-je, qui veut avoir raison contre Votre Excellence doit se lever matin, cependant il peut se faire que l’esprit en pleine majorité se presse trop et que le débutant encore mineur voie la vérité. »

« — Comme si vous l’aviez vue ! répondit Goethe d’un ton un peu railleur ; votre idée de la lumière colorée appartient au quatorzième siècle, et vous êtes plongé au fond de la dialectique. — La seule chose qui soit bonne en vous, c’est qu’au moins vous, vous êtes assez honnête pour dire tout droit tout ce que vous pensez. — Il se passe pour ma théorie des couleurs, dit-il plus doucement avec un air plus gai, ce qui s’est passé pour la doctrine chrétienne. On croit quelque temps avoir des disciples fidèles, et, avant que l’on y ait pris garde, ils se séparent de vous et forment une secte ! Vous êtes un hérétique, comme les autres, car vous n’êtes pas le premier qui m’ait abandonné. Je me suis séparé des hommes les meilleurs pour des divergences sur quelques points de ma théorie des couleurs ! » — Et il me cita des noms connus.

Nous avions pendant ce temps fini de dîner ; la conversation s’arrêta, Goethe se leva et se mit près de la