Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t2, trad. Délerot.djvu/108

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pale qui avait été conçue dans l’ensemble et qui le soutenait. Mais il y avait dans la nature de Schiller quelque chose de violent ; il agissait trop souvent d’après une idée préconçue, sans assez considérer le sujet qu’il avait à manier. »

« — On pourrait vous gronder, dis-je, d’avoir souffert sa manière d’agir, et de lui avoir donné une liberté illimitée dans une question aussi grave. »

« — On a souvent plus d’indifférence qu’on ne le devrait, répondit Goethe. Et puis dans ce temps-là j’étais profondément préoccupé d’autres idées. J’avais pour Egmont aussi peu d’intérêt que pour le théâtre, je le laissai faire. Maintenant, ce qui me console, c’est que du moins la pièce est imprimée telle qu’elle fut écrite, et qu’il y a des théâtres assez intelligents pour la jouer sans les coupures. »

Goethe me parlant alors de la Théorie des couleurs, m’a demandé si j’avais pensé à sa proposition d’en écrire un résumé. Je lui dis où j’en étais, et nous arrivâmes à cette occasion à une petite discussion que je veux raconter. J’avais, en étudiant le livre de Goethe, découvert une explication évidemment contraire aux faits. Aujourd’hui, j’aurais bien voulu lui cacher que j’avais trouvé une légère erreur dans sa Théorie, car je ne savais trop comment je lui dirais la vérité sans le blesser. Mais comme ce résumé dont il m’avait chargé est chose sérieuse à mes yeux, je devais, pour entrer dans l’entreprise avec assurance, faire effacer toutes les erreurs et discuter toutes les explications fausses. Il n’y avait qu’une chose à faire, c’était de lui confesser tout simplement qu’après des observations attentives, j’étais amené à m’écarter un peu sur quelques points de