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sement terminé une affaire avec Artaria[1] et avec la cour. Nous causâmes beaucoup d’Egmont, qui avait été donné hier soir au théâtre, avec les corrections de Schiller, et nous parlâmes des défauts que la pièce devait à ces corrections. — « Pour beaucoup de raisons, dis-je, il n’est pas bon que la Régente manque ; elle est tout à fait nécessaire à la pièce ; car non-seulement sa présence donne à l’ensemble un caractère plus élevé, plus noble, mais les questions politiques et surtout les relations avec la cour d’Espagne deviennent bien plus claires et bien plus frappantes par sa conversation avec Machiavel. »

« — Sans aucun doute, dit Goethe. Egmont aussi gagne de l’importance par l’éclat que jette sur lui l’affection de la princesse, et Claire paraît s’élever, quand nous voyons que, triomphant même d’une princesse, elle possède seule tout l’amour d’Egmont. Ce sont là des détails délicats, mais que l’on ne peut altérer sans compromettre l’ensemble. »

« — Et puis, ajoutai-je, il me semble qu’en face de tous ces grands rôles d’hommes, un seul rôle de femme, comme celui de Claire, paraît trop faible, et comme écrasé. Le rôle de la Régente donne plus d’équilibre à tout l’ensemble. Que l’on parle d’elle, cela ne suffit pas, l’apparition de la personne elle-même fait seule impression. »

« — Vos observations sont très-justes, dit Goethe. Lorsque j’écrivis cette pièce, j’ai, comme vous le pensez bien, tout pesé mûrement, et il n’est pas étonnant qu’un ensemble souffre quand on supprime une figure princi-

  1. Libraire-éditeur.