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nous finissons par le quiétisme, tout comme les philosophes indiens[1].

« Dans la philosophie allemande il y aurait encore deux grandes choses à faire. Kant a écrit la Critique de la raison pure, et il a rendu par là un service infini ; mais le cercle n’est pas fermé. Maintenant, il faudrait qu’un homme capable, remarquable, écrivît la Critique des sens et de l’entendement humain ; et, si ces deux livres étaient tous les deux bien faits, la philosophie allemande n’aurait plus beaucoup à désirer. — Hegel, continua-t-il, a publié dans l’Almanach berlinois un article sur Hamann, que j’ai lu et relu ces jours-ci et que je dois louer beaucoup. Les jugements de Hegel comme critique ont toujours été bons. — Villemain a aussi comme critique un rang très-élevé. Les Français ne reverront jamais un talent égal à celui de Voltaire ; mais on peut dire que le point de vue de Villemain se trouvant plus élevé que celui de Voltaire, Villemain peut critiquer Voltaire et juger ses qualités et ses défauts. »

Mercredi, 18 février 1829.

Nous avons causé de la théorie des couleurs, et, entre autres, des verres à boire où sont ciselées des figures mates ; tournées vers la lumière, elles paraissent jaunes ; tournées vers l’obscurité, elles paraissent bleues, et on jouit ainsi par elles de la vue d’un phénomène-principe. Goethe a dit à cette occasion : « Le point le plus élevé où l’homme puisse arriver, c’est l’étonnement ; qu’il se trouve donc content de pouvoir contempler avec étonnement un phénomène primordial ; quant à arriver plus haut, à

  1. Goethe ici résume à sa façon, en la modifiant sur plusieurs points, une belle leçon de M. Cousin.