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un cataplasme ; nous parlâmes des effets heureux de ce remède, et Goethe parut disposé à consentir. Rehbein amena la conversation sur Marienbad, qui sembla réveiller chez Goethe d’agréables souvenirs. On fit des plans pour y retourner l’été prochain, et, comme on remarquait que le grand-duc ne manquerait pas d’y aller, cette espérance mit Goethe en humeur très-gaie. On parla aussi de madame Szymanowska et on rappela les jours pendant lesquels elle était ici et s’était gagné la faveur de tous les hommes. Après le départ de Rehbein, le chancelier lut des poésies indiennes. Pendant ce temps, Goethe causa avec moi sur son Elégie de Marienbad. À huit heures, le chancelier s’en alla. Je voulais aussi me retirer, mais Goethe me pria de rester encore un peu ; je me rassis, nous parlâmes théâtre, et, comme on jouait le lendemain Wallenstein, cela nous amena à parler de Schiller. « J’éprouve avec Schiller quelque chose d’étrange, dis-je ; je lis avec un vrai plaisir, avec admiration quelques scènes de ses grands drames, mais, à un certain moment, je rencontre toujours de telles infidélités à la nature que cela m’arrête. J’éprouve cela même avec Wallenstein. Je ne peux m’empêcher de croire que les idées philosophiques de Schiller ont nui à sa poésie, car c’est à elles qu’il doit d’avoir estimé les idées plus que la nature, et il a même supprimé complètement la nature. Ce qui est susceptible d’être pensé pour lui devait être possible, que la nature le voulût ou non ! »

« Il est triste, dit Goethe, de voir un homme doué d’une façon aussi extraordinaire se tourmenter avec des systèmes philosophiques qui ne pouvaient lui être utiles à rien. Humboldt m’a apporté des lettres que Schiller lui a écrites dans cette malheureuse période de spéculations.