Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t1, trad. Délerot.djvu/96

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

maintenant un tremblement de terre, ou nous allons en avoir un. » Il me fit asseoir sur son lit pour m’expliquer quels signes le lui faisaient savoir. « Je demandai à ce bon vieillard quel temps il faisait alors. « Le temps était très-couvert, l’air immobile, très-silencieux et très-lourd. — Et avez-vous cru Goethe sur parole ? — Oui, je crus ce qu’il disait, car ses prédictions étaient toujours vérifiées par les faits. Le jour suivant, mon maître fit part à la cour de ses observations, et une dame dit à l’oreille de sa voisine : « Goethe extravague ; » mais le duc et les autres messieurs ont cru Goethe, et on apprit bientôt qu’il avait vu juste, car quelques semaines plus tard arriva la nouvelle que, cette même nuit, une partie de Messine avait été détruite par un tremblement de terre. »

Vendredi, 14 novembre 1823.

Vers le soir, Goethe m’a fait prier d’aller le voir, me disant que, Humboldt (alors à Weimar) étant allé à la cour, ma visite lui serait par là encore plus agréable. Je le trouvai comme les jours précédents assis dans son fauteuil ; il me tendit amicalement la main, en même temps qu’il m’adressait quelques paroles avec une douceur céleste. Près de lui était un grand écran pour le garantir de la chaleur du poêle et de la lumière des bougies placées sur la table. Le chancelier de Müller arriva, et nous entretînmes une conversation sans importance, que Goethe écoutait seulement. Le médecin, M. le conseiller aulique Rehbein, arriva aussi peu après. Il trouva le pouls de Goethe tout à fait « dispos et léger, » nous nous félicitâmes ; Goethe fit quelques plaisanteries. « Si seulement cette douleur près du cœur était partie ! » ajouta-t-il bientôt en se plaignant. Rehbein proposa de lui mettre