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poëme de Tiefurt, de ses difficultés. « Il me serait plus commode, dis-je, de traiter un pareil sujet en prose.

— Non, dit Goethe, il faudrait pour cela que le sujet fût plus important. La forme didactique et descriptive serait pour l’ensemble la meilleure, mais elle n’est pas assez frappante. Le mieux, c’est de partager le sujet en dix ou douze petites poésies détachées, toutes différentes par la forme et par le mètre, suivant l’idée qui sera développée, et de cette façon vous arriverez à une description et à une peinture complètes. » Je trouvai ce plan excellent. « Rien même ne vous empêche d’introduire une fois la forme dramatique, et de supposer un dialogue avec le jardinier. Par de pareilles divisions on se rend la tâche plus facile, et on parvient mieux à rendre ce qu’il y a de caractéristique dans les différents aspects du sujet. Au contraire, un plan qui embrasse tout dans un seul ensemble est plein de difficultés et il est rare que l’on parvienne à en faire quelque chose de fini. »

Mercredi, 10 novembre 1823.

Depuis quelques jours Goethe n’est pas très-bien ; il semble souffrir d’un fort refroidissement. Il a une toux fréquente et violente qui paraît douloureuse, car en toussant il se tient la main sur la poitrine. Ce soir, avant le spectacle, je suis allé une petite demi-heure chez lui. Il était assis sur son fauteuil, le dos appuyé sur un coussin ; la parole lui semblait pénible. Après quelques mots échangés, il me dit qu’il désirait que je lusse une poésie avec laquelle il veut ouvrir une nouvelle livraison de sa Revue l’Art et l’Antiquité, qu’il prépare en ce moment. Il resta assis dans son fauteuil, et m’indiqua où elle était placée. Je pris une lumière, et je m’assis un peu loin de