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L’Échiquier pouvait être une fort bonne pièce et elle était peut-être fort bien jouée, mais je n’étais pas présent, toutes mes pensées étaient avec Goethe. Après le spectacle, je passai devant la maison ; tout brillait encore de lumière, j’entendis la musique, et je me repentis de n’être pas resté.

On me raconta plus tard que la jeune dame polonaise, madame Szymanowska, en l’honneur de laquelle la grande soirée avait été donnée, avait joué du piano avec un merveilleux talent, et avait enthousiasmé toute la compagnie. J’appris que Goethe avait fait sa connaissance cet été à Marienbad, et qu’elle venait maintenant à Weimar pour lui rendre visite[1].

À midi, Goethe m’a communiqué un petit manuscrit (Études de Zauper[2]), dans lequel je trouvai des observations très-frappantes. Je lui envoyai en revanche quelques poésies que j’ai faites cet été à léna, et dont je lui avais parlé.

Mercredi, 29 octobre 1823.

Aujourd’hui, vers le soir, je suis allé chez Goethe. Je le trouvai l’esprit très-animé ; ses yeux rayonnaient, tout son être était joie, force et jeunesse. Il me parla tout de suite des poésies que je lui avais envoyées, et me dit tout en marchant à travers la chambre : « Je comprends pourquoi vous me disiez à Iéna que vous vouliez écrire un poëme sur les saisons. Je vous conseille maintenant de le faire ; commencez tout de suite, avec l’hiver. Vous

  1. Grâce à sa présence et au charme puissant de son art, la passion qui tourmentait Goethe se calma, et il écrivit la poésie Apaisement, qui fait suite à l’Élégie.
  2. Traducteur d’Homère. Il a écrit des ouvrages dans le genre de celui d’Eckermann (Essais de poétique allemande, d’après les œuvres de Goethe). Mort en 1850, directeur du collége de Pilsen.