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soirée était finie, soirée pour moi on ne peut plus agréable.

Dimanche, 19 octobre 1823.

Ce matin j’ai dîné pour la première fois avec Goethe. Il n’y avait avec lui que madame de Goethe, mademoiselle Ulrike[1] et le petit Walter ; nous étions donc tout à fait à l’aise, et entre nous. J’ai vu Goethe là tout à fait comme père de famille ; il nous présentait les plats, découpait le rôti, et cela très-adroitement, sans oublier de nous verser à boire. Nous bavardions gaiement sur le théâtre, sur les jeunes Anglais de Weimar, et sur les petits incidents du jour. Mademoiselle Ulrike surtout était très-gaie et très-amusante. Goethe était assez silencieux, et il se bornait à introduire çà et là quelques remarques significatives, en même temps il jetait un coup d’œil sur les journaux, nous lisant les passages les plus saillants, et surtout ceux qui parlaient des progrès de la révolution grecque. On vint à dire que je devrais apprendre l’anglais. Goethe m’y engagea fortement, surtout à cause de lord Byron, homme selon lui d’une telle supériorité, qu’une pareille ne s’est pas rencontrée et sans doute ne se rencontrera pas de nouveau. On chercha quels étaient les meilleurs professeurs de la ville ; mais on trouva que tous avaient une prononciation défectueuse ; et on conclut qu’il valait mieux se borner à la conversation avec les jeunes Anglais qui habitent ici.

Après dîner, Goethe me fit quelques expériences se

  1. Mademoiselle Ulrike de Pogwisch, sœur de madame de Goethe. Elle habite toujours Weimar. Les deux enfants, Walter et Wolfgang, sont les petits-fils de Goethe. Aujourd’hui ce sont des hommes faits ; mais la gloire littéraire de leur grand-père ne les a pas tentés. M. Walter de Goethe est chambellan à la cour de Weimar ; M. Wolfang de Goethe, conseiller de légation près l’ambassade de Prusse, à Vienne.