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sieurs, mais qui sait où il les dépose, et qui pourrait le suivre ? En supposant qu’il ponde cinq œufs, et qu’ils soient heureusement couvés et élevés par les soins attentifs de leurs parents nourriciers, il y a encore ici à s’étonner que la nature puisse se résoudre à sacrifier, pour cinq jeunes coucous, au moins quinze de nos meilleurs oiseaux chanteurs. »

« — En pareilles matières, dit Goethe, la nature n’agit jamais avec grand scrupule. Elle a à gaspiller un grand revenu de vie, et elle le dépense à l’occasion sans grande réflexion. — Mais comment donc se fait-il que le petit coucou fasse périr tant d’oiseaux chanteurs ? »

« — D’abord la première couvée est perdue ; car si les œufs de l’oiseau chanteur sont couvés avec celui du coucou, comme cela arrive d’habitude, les parents sont si heureux de la naissance du gros oiseau, et ils ont pour lui tant de tendresse, qu’ils ne pensent qu’à lui, n’apportent de nourriture qu’à lui ; de telle façon que leurs propres petits meurent et quittent le nid ; les jeunes coucous sont toujours très-avides, et dévorent tout ce que peuvent apporter les petits oiseaux insectivores qui les élèvent. Il faut beaucoup de temps pour qu’ils aient atteint toute leur grosseur, pris toutes leurs plumes et soient devenus capables de quitter le nid et de s’élever sur la cime d’un arbre. Mais, lors même qu’ils volent dehors depuis longtemps, il faut encore qu’ils soient nourris, et les bons parents nourriciers, passant tout leur été à élever leur gros enfant, ne peuvent penser à une seconde couvée. Voilà comment tant de petits chanteurs sont sacrifiés à un petit coucou. »

« — C’est évident ; mais, dites-moi, il me semble avoir entendu rapporter que, lorsque le petit coucou est sorti