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mais dites-moi donc, si vous l’avez observé, comment le coucou fait-il pour mettre son œuf dans le nid du roitelet, puisque l’ouverture est si étroite et que sa construction ne lui permet pas d’entrer dedans ni de se poser dessus ? »

« — Il introduit son œuf dans le nid avec son bec. C’est sa manière, je crois, non-seulement avec le roitelet, mais avec les autres nids, car ils sont tous si petits, ou entourés de tant de petites branches, que le coucou avec sa grande queue ne peut pas se poser dessus. Mais comment le coucou a-t-il un œuf d’une petitesse comparable à celle des œufs des oiseaux insectivores ? c’est là une nouvelle énigme que l’on admire en silence, sans pouvoir la résoudre. L’œuf du coucou est à peine un peu plus gros que celui de la fauvette, et il faut qu’il en soit ainsi, puisqu’il sera couvé par des oiseaux insectivores. Cette précaution est très-sage et très-raisonnable. Mais que la nature, pour être sage dans ce cas tout spécial, s’écarte de cette loi universelle, qui, du colibri à l’autruche, établit un rapport fixe entre la grandeur de l’œuf et la grandeur de l’oiseau, c’est là un de ces actes arbitraires qui sont bien faits pour nous frapper d’étonnement. »

« — Cela nous frappe à coup sûr d’étonnement, dit Goethe, mais c’est que le point de vue où nous sommes placés est trop étroit pour que nous puissions apercevoir l’ensemble des choses. S’il était plus large, nous verrions sans doute que ces déviations rentrent dans la loi. Mais continuez donc et dites-m’en davantage. Ne sait-on pas combien d’œufs pond le coucou ? »

« — Ce serait une grande folie de prétendre avoir sur ce point une opinion arrêtée, car le coucou est très-errant, tantôt ici, tantôt là ; on ne trouve jamais dans un nid qu’un seul de ses œufs. Il en perd certainement plu-