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rapportée de Marienbad, me dit Goethe, où l’on a de semblables corbeilles de toute grosseur, et je suis tellement habitué à la mienne, que je ne peux voyager sans la prendre avec moi. Vous voyez, quand elle est vide, elle se replie sur elle-même et occupe peu d’espace ; quand on veut l’emplir, elle s’élargit en tous sens, et elle contient plus qu’on ne croirait. Elle est molle, flexible, et cependant si solide et si forte qu’on peut y emporter les objets les plus lourds. »

« — Elle est d’une forme très-pittoresque et même antique, » dis-je.

« — Vous avez raison ; elle se rapproche de l’antique, car non-seulement elle est parfaitement appropriée à son but et faite avec intelligence, mais sa forme est de plus très-simple et très-agréable à l’œil ; on peut dire d’elle qu’elle a atteint sa perfection. — Je m’en suis servi surtout lors de mes excursions minéralogiques dans les montagnes de Bohême[1]. Pour le moment elle renferme notre déjeuner. Si j’avais là un marteau, je ne manquerais pas aujourd’hui d’occasions pour casser çà et là une petite pierre et rapporter ma corbeille pleine d’échantillons. »

Nous étions arrivés sur la hauteur, et nous avions la vue des collines derrière lesquelles est placé Berka. Un peu à gauche, au delà de la vallée de l’Ilm, on apercevait une colline à laquelle les vapeurs de la rivière, en flottant au-devant, donnaient une teinte bleue. Je la regardai avec ma lorgnette, aussitôt le bleu s’affaiblit d’une manière frappante. « On voit, dis-je à Goethe, combien l’objet

  1. Goethe a tracé, dans une série de dissertations, une espèce de description géologique de la Bohême et surtout des environs de Marienbad, ou il alla longtemps chaque année prendre les eaux et l’air des montagnes.