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hommes ennemis les uns des autres ; le premier meurtre a eu pour cause une différence dans la manière d’adorer Dieu, » et, cette pensée me rappelant le Caïn de Byron, je dis que je l’avais lu ces jours-ci et que j’avais surtout admiré le troisième acte, et la manière dont est motivé le meurtre.

« N’est-ce pas, dit Goethe, ces motifs sont excellents ! C’est d’une beauté telle que le monde n’a pas à en montrer une pareille. »

« — Caïn était d’abord interdit en Angleterre, dis-je, mais aujourd’hui tout le monde le lit et les jeunes voyageurs anglais emportent d’habitude un Byron complet avec eux. »

« — C’était une folie, car au fond il n’y a pourtant rien dans le Caïn que les évêques anglicans n’enseignent eux-mêmes. »

Le chancelier arriva et s’assit près de nous. Les petits-fils de Goethe, Walter et Wolfgang, entrèrent aussi en sautant. Wolf s’approcha du chancelier. « Va chercher ton album, dit Goethe, et montre à M. le chancelier ta princesse et ce que le comte Sternberg a écrit. » — Wolf revint bientôt avec le livre. Le chancelier examina le portrait de la princesse et les vers de Goethe transcrits à côté. Il feuilleta ensuite le livre et trouva cette ligne, écrite par Zelter, et qu’il lut tout haut :

Apprends à obéir !

« Eh bien ! c’est là la seule parole raisonnable du livre, » dit Goethe en riant. « Oui, Zelter a toujours de la solidité et du grandiose. Je parcours en ce moment avec Riemer ses lettres ; elles renferment d’inestimables trésors. Les lettres qu’il m’a écrites en voyage sont surtout