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même évidemment contradictoires. Tantôt la beauté du poëme dépend du sujet, que le poète trouve en dehors de lui-même, tantôt c’est à l’âme seule du poëte qu’elle est due tout entière ; tantôt le choix du sujet est tout, tantôt c’est la manière dont le sujet, quel qu’il soit, est traité. — Ici, c’est une forme parfaite, qui assure le succès ; ailleurs, la forme n’est rien, l’âme qui anime la poésie est seule à considérer.

Toutes ces décisions opposées sont des côtés différents du vrai, elles précisent sa nature, et aident à en approcher. Aussi je me suis toujours bien gardé, dans mon livre, de faire disparaître ces contradictions apparentes, telles qu’elles se sont montrées, suscitées par la différence des temps et des circonstances. Je me repose sur l’examen intelligent du lecteur éclairé, qu’un passage isolé n’induira pas en erreur, mais qui saura, considérant l’ensemble, ramener à leur place et réunir les différentes idées dispersées çà et là.

Peut-être aussi rencontrera-t-on plusieurs passages qui, au premier abord, paraissent insignifiants. Mais, si on remarque que ces lignes insignifiantes en amènent d’importantes, sont souvent le point de départ de développements qui viennent ensuite, qu’elles contribuent aussi à ajouter une touche légère à la peinture du caractère, alors on accordera sans doute que leur nécessité, sans les justifier, du moins les excuse.

Maintenant je n’ai plus, à cet ouvrage longtemps caressé, qu’à dire du fond du cœur : Adieu ! et à lui souhaiter d’être assez heureux pour plaire, et pour faire naître et répandre au loin d’heureux fruits.