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paroles ne seraient point peut-être en contradiction avec un autre passage. — D’ailleurs Shakspeare n’a guère pensé que chaque lettre de ses pièces serait un jour comptée, comparée et confrontée ; lorsqu’il écrivait, il avait la scène devant les yeux, il considérait ses pièces comme des œuvres douées de mouvement et de vie qui passent rapidement devant les yeux et par les oreilles d’un spectateur placé devant une scène, œuvres qu’on ne peut arrêter et censurer en détail, et dans lesquelles il ne s’agit toujours que de produire un grand effet au moment présent. »

Mardi, 24 avril 1827.

Auguste-Guillaume de Schlegel est ici. Goethe, avant dîner, a fait avec lui une promenade en voiture autour du Webicht[1], et a donné en son honneur, ce soir, un grand thé, auquel assistait le compagnon de voyage de Schlegel, M. le docteur Lassen[2]. Tout ce qui, à Weimar, a un rang ou un nom était aussi invité ; aussi le mouvement était grand dans les salons de Goethe. M. de Schlegel était tout entouré par les dames, auxquelles il a montré des bandelettes couvertes d’images de dieux indiens, et le texte de deux grands poèmes indiens que, sauf lui et M. Lassen, personne, sans doute, ne comprenait. Schlegel avait une fort élégante toilette, et paraissait dans la fleur de la jeunesse, si bien que quelques personnes voulaient soutenir qu’il ne semblait pas ignorer l’emploi des cosmétiques. — Gœthe m’attira dans une fenêtre. « Eh bien, comment vous plaît-il ? » — « Exactement autant qu’autrefois, » répondis-je. — « Sous beaucoup de rapports ce

  1. Petit bois entre Weimar et Tiefurt.
  2. Le célèbre orientaliste de l’Université de Bonn.