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dans ces lettres, comme partout, plein de sérénité, et tout à fait à l’aise. Ne tenant précisément à aucune opinion, il savait entrer dans toutes. Il semblait être un roseau, que le souffle des opinions inclinait de côté et d’autre, mais qui cependant restait toujours solidement fixé par ses fines racines. — Mes relations personnelles avec Wieland ont toujours été excellentes, surtout dans la première période, quand il m’appartenait à moi seul. C’est sur mon encouragement qu’il a écrit ses petits romans. Mais quand Herder arriva à Weimar, Wieland me devint infidèle ; Herder le détourna de moi, car la puissance d’attraction de cet homme était très-grande. »

La voiture se tourna pour revenir. Nous vîmes vers l’est de nombreux nuages de pluie qui se poussaient les uns sur les autres. « Ces nuages, dis-je, sont si épais qu’ils menacent à tout instant de se résoudre en pluie ; est-il donc possible qu’ils se dissipent, si le baromètre remonte ? » — « Oui, dit Goethe ; ces nuages disparaîtraient aussitôt en se répandant dans l’espace comme les fils d’une quenouille qui se dévide. Telle est la forte confiance que j’ai dans le baromètre. Oui, je dis toujours et je le soutiens : Si dans la nuit de la grande inondation de Pétersbourg le baromètre était monté, les eaux ne seraient pas sorties. Mon fils croit à l’influence de la lune sur le temps, et vous y croyez peut-être aussi ; je ne vous en blâme pas, car la lune semble être un astre trop important pour qu’on ne lui doive pas accorder une influence marquée sur notre terre, mais le changement du temps, l’élévation ou la descente du baromètre ne dépendent en rien du changement de lune ; ce sont des faits purement terrestres. Je me représente la terre avec son cercle de vapeurs comme un grand être vivant qui aspire et respire