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Unis de l’autre. Et en ce cas, il ne serait plus seulement désirable, il serait presque nécessaire que des vaisseaux de commerce et de guerre puissent entretenir, entre les côtes occidentales et orientales de l’Amérique du Nord, des relations plus rapides qu’elles ne peuvent l’être jusqu’à présent par l’ennuyeux, périlleux et coûteux doublement du cap Horn. Aussi, je le répète, il est absolument indispensable pour les États-Unis d’établir un passage entre le golfe du Mexique et l’océan Pacifique, et je suis sûr qu’ils l’établiront. Je voudrais voir cela de mon vivant, mais je ne le verrai pas. Ce que je voudrais voir aussi, c’est l’union du Danube et du Rhin. Mais c’est là aussi une entreprise si gigantesque, que je doute qu’elle s’accomplisse, surtout en pensant à la faiblesse des moyens dont nous disposons en Allemagne. Et enfin, en troisième lieu, je voudrais voir les Anglais en possession d’un canal à Suez. — Je voudrais voir ces trois grandes choses, et elles mériteraient bien que l’on restât encore quelque cinquante ans pour l’amour d’elles.

Mercredi, 21 mars 1827.

Goethe m’a montré un petit livre de Hinrichs[1] sur l’essence de la tragédie grecque. « Je l’ai lu avec grand intérêt, dit-il. Hinrichs a surtout pris Œdipe et Antigone de Sophocle pour servir de base au développement de ses vues. C’est un livre très-curieux, et je veux vous le donner pour que vous le lisiez aussi et que nous puissions en causer. Je ne suis pas du tout de son opinion, mais il est extrêmement instructif de voir comment un homme

  1. Publié en 1827. M. Hinrichs a été élève de Hegel. Il est aujourd’hui professeur à l’Université de Halle. Il avait publié, en 1825, des Leçons sur Faust. Il a écrit également sur les poésies de Schiller.