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ble. — « Quand on compare les pièces de Lessing avec celles des anciens, a dit Goethe, et qu’on les trouve mauvaises, misérables, qu’a-t-on dit par là ? Plaignez donc cet homme extraordinaire d’avoir été obligé de vivre dans une époque si pitoyable, qui ne lui offrait pas de sujets meilleurs que ceux qu’il a traités dans ses pièces ! Plaignez-le d’avoir été obligé, dans sa Minna de Barnhelm, ne trouvant rien de mieux, de s’intéresser aux gestes de la Saxe et la Prusse. — Son action a été toute polémique, et a dû l’être ; c’est encore la faute de son triste siècle ! Dans Émilia Galotti, il tournait ses coups contre les princes ; dans Nathan, contre les prêtres.

Vendredi, 16 février 1827.

Je racontais à Goethe que j’avais lu ces jours-ci l’écrit de Winckelmann sur l’imitation des ouvrages d’art grecs, et j’avouais qu’il m’avait souvent semblé que Winckelmann n’avait pas encore alors ses idées parfaitement éclaircies sur ce sujet. — « Vous avez parfaitement raison, me dit Goethe ; on le surprend de place en place comme tâtonnant ; mais ce qu’il y a de grand en lui, c’est qu’il tâtonne toujours là où il y a quelque chose ; il ressemble à Colomb, lorsque celui-ci, n’ayant pas encore, à la vérité, découvert le nouveau monde, le portait déjà dans sa pensée pleine de pressentiments. On n’apprend rien en le lisant, mais on devient quelque chose. — Meyer est allé plus loin, et il a porté la connaissance de l’art à son apogée. Son Histoire de l’art est un ouvrage immortel, mais Meyer ne serait pas devenu ce qu’il est, s’il ne s’était pas formé dès l’enfance sur Winckelmann, et s’il n’avait pas suivi sa route. On voit là encore ce que fait un grand