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leurs peut conduire à des recherches sur la tragédie grecque. Il faut cependant se garder de pousser trop loin une pareille loi et de vouloir l’appliquer souvent ailleurs ; on marche bien plus sûrement en ne lui donnant l’autorité que d’une analogie et d’un exemple. »

Nous parlâmes de la manière dont Goethe avait exposé sa théorie des couleurs, déduisant tout de lois premières auxquelles il ramène les faits isolés, ce qui permet à l’esprit de concevoir l’ensemble avec netteté. — « Cela peut être ainsi, dit-il, et vous pouvez me faire cet éloge, mais cette méthode exige aussi des élèves qui ne vivent pas dans la dissipation et qui soient capables de reprendre le sujet par la base. De très-jolis esprits m’ont suivi dans ma théorie ; par malheur, ils ne restaient pas sur le droit chemin, et, avant que je m’en fusse aperçu, ils le quittaient pour suivre une idée à eux, au lieu de garder toujours l’œil fixé sur l’objet. Cependant une tête bien faite et que la vérité préoccupe pourrait encore faire beaucoup de découvertes. »

Nous parlâmes des professeurs qui, après avoir trouvé mieux, continuaient à professer la doctrine de Newton.

— « Il ne faut pas s’en étonner, ces personnes restent dans l’erreur parce qu’elles lui doivent leur existence. Il leur faudrait désapprendre, et ce serait fort gênant. » — « Mais, dis-je, comment leurs expériences peuvent-elles faire voir la vérité, puisque le principe de leur doctrine est faux ? » — « Aussi ils ne font pas voir la vérité ; ce n’est pas là du tout leur dessein ; ils ne désirent faire voir que leur opinion propre. En conséquence ils cachent les expériences par lesquelles la vérité pourrait apparaître au jour et qui feraient sentir l’inconsistance de leur théorie. Et puis, pour parler des écoliers, quel est