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seulement elle se montre en France un peu plus galante et plus spirituelle. »

« — Mais que dit Votre Excellence de Béranger et de l’auteur des pièces de Clara Gazul ? » — « Je les excepte, ce sont de grands talents qui ont leur base en eux-mêmes et qui se maintiennent indépendants de la manière de penser du jour. »

L’entretien passa alors à la littérature allemande, et Goethe me dit : « Je veux vous montrer quelque chose qui vous intéressera. Donnez-moi un des deux volumes qui sont devant vous. Vous connaissez Solger ? » — « Certainement, dis-je, et je l’aime même ; je possède sa traduction de Sophocle, avec l’introduction ; elle me donne de lui une haute idée. » — « Vous savez qu’il est mort il y a plusieurs années ; on a publié une collection de ses écrits posthumes et de ses lettres. Dans ses recherches philosophiques, présentées sous la forme du dialogue platonicien, il n’a pas été très-heureux ; mais ses lettres sont excellentes : dans l’une d’elles, adressée à Tieck, il parle des Affinités, et c’est là ce que je veux vous lire, car on ne peut guère rien dire de meilleur sur ce roman. »

Goethe me lut cette excellente dissertation[1], et nous reprîmes ensuite chacune des idées qu’elle présentait, admirant la grandeur de caractère qui se révélait dans ces vues, ainsi que la logique serrée de ses déductions et de ses raisonnements. Solger reconnaissait que les événements sortaient tous de la nature des différents caractères, mais il blâmait le caractère d’Edouard. — « Je ne peux pas trouver mauvais, dit Goethe, qu’Edouard lui

  1. Elle est trop longue pour être citée ; on la trouve dans le premier volume des Écrits posthumes de Solger p. 175 à 185.