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Vogel[1], et quelques dames. Goethe avait désiré entendre un quatuor, écrit par un jeune compositeur célèbre. Charles Eberwein, qui n’a que douze ans, joua du piano à la grande satisfaction de Goethe, et en réalité fort bien. Le quatuor fut donc bien exécuté.

« Il est bizarre, dit Goethe, de voir où les compositeurs contemporains sont conduits par la perfection actuelle du mécanisme et de la partie technique ; ce qu’ils font, ce n’est plus de la musique ; cela est au-dessus du niveau des sentiments humains, et notre esprit et notre cœur ne nous fournissent plus rien que nous puissions faire servir à l’interprétation de pareilles œuvres. Quel effet cela vous fait-il ? Pour moi, tout cela me vient dans l’oreille, et c’est tout. » — Je répondis qu’il en était absolument de même pour moi. — « L’allégro, cependant, continua-t-il, avait du caractère. Ce tourbillonnement, ce tournoiement perpétuel, m’a remis devant les yeux la danse des sorcières du Bloksberg, et j’ai pu trouver là une image à placer sous cette singulière musique. »

Après une pause, pendant laquelle on causa et on prit quelques rafraîchissements, Goethe pria madame Eberwvein de chanter quelques romances. Elle chanta alors la belle romance mise en musique par Zelter : À minuit ! qui fit la plus profonde impression. « La romance, dit Goethe, est toujours belle, quelque fréquente que soit son audition. Elle a dans sa mélodie quelque chose d’éternel, d’indestructible. » — Puis on chanta le Roi des

  1. Successeur de Rehbein, mort l’année précédente. M. Vogel était de plus et est encore vice président de la direction des sciences et des arts, dont Goethe était président. Il a écrit deux Notices sur Goethe ; dans l’une, il raconte sa dernière maladie, dans l’autre, il donne des détails sur l’administrateur.