Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t1, trad. Délerot.djvu/29

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tendre à la nature de Goethe pas plus qu’à celle de Victor Hugo. Et comment vouliez-vous en conscience que Goethe acceptât Quasimodo, lui qui, même quand il a fait son diable, Méphistophélès, l’a présenté beau encore et élégant ? Nulle part, même chez Manzoni, que d’ailleurs il goûtait et prisait tant, Goethe n’aime ce qu’il appelle « les abominations ; » et, à ce titre, la peste du roman des Fiancés lui déplaisait. Il n’aimait pas la littérature qui fait dresser les cheveux sur la tête. Tel il était par nature et par art, bien sincèrement ; « comme philosophe, apôtre de la félicité ; comme poëte, organe et interprète de la jouissance large et pure, complète et honnête. » Essayez, si vous le pouvez, de définir Victor Hugo et sa philosophie en regard, et voyez le contraste. Pour moi, je l’avoue, si je suis étonné de quelque chose en tout ceci, c’est de la sagacité et de la divination de Goethe. Que n’aurait-il pas ajouté et dit, s’il avait assez vécu pour lire tout Hugo et pour assister au développement colossal qui a suivi, et où qualités et défauts, de plus en plus grossis, se heurtent et se confondent ?

Soyons donc sensés une bonne fois dans nos admirations ; ne redevenons pas à plaisir étroits et exclusivement idolâtres. Éditeurs et commentateurs, ne refaites pas pour Hugo dans un sens, ce que d’autres, en d’autres temps, ont fait pour Racine : ils ne pouvaient comprendre qu’il manquât une seule perfection à leur déité, et si l’on paraissait en douter tant soit peu, M. Auger criait au sacrilège. Vous êtes exactement, et