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faiblies et par là excellentes pour elles, soyez sage, faites comme moi, et restez chez vous. — Je n’ai, quant à moi, porté un vrai intérêt au théâtre qu’autant que j’ai pu y agir d’une façon pratique. C’était ma joie d’élever cette institution à un haut degré de perfection, et aux représentations, j’avais moins d’attention pour les pièces que pour la manière bonne ou mauvaise dont les acteurs jouaient leurs rôles. Le lendemain matin, j’envoyais au régisseur la note écrite de mes critiques, et j’étais bien sûr à la représentation suivante de voir les défauts évités. Mais maintenant que je ne peux plus agir ainsi d’une façon pratique, je ne me sens plus aucun désir d’aller au théâtre. Je serais obligé de laisser les vices se produire sans pouvoir les corriger, et cela ne me va pas. Il en est de même pour la lecture des pièces. Les jeunes poètes allemands continuent toujours à m’envoyer leurs tragédies ; qu’est-ce que je peux en faire ? Je n’ai jamais lu les pièces allemandes que pour voir si je pourrais les faire jouer ; pour le reste, elles m’étaient indifférentes. Et maintenant, dans ma situation actuelle, qu’ai-je à faire des pièces de ces jeunes gens ? Pour moi-même, je ne gagne rien à lire comment on n’aurait pas dû composer une pièce, et je ne suis pas plus utile aux jeunes poëtes, puisque la chose est faite. S’ils m’envoyaient, au lieu de leurs pièces imprimées, le plan d’une pièce, je pourrais dire au moins : Continue, arrête-toi, fais ceci, fais cela, et mes paroles auraient un sens et une utilité. — Tout notre mal vient de ce que l’éducation poétique est tellement générale en Allemagne, que personne ne fait plus un mauvais vers. Les jeunes poètes qui m’envoient leurs œuvres ne sont pas au-dessous de leurs prédécesseurs, et comme ils voient ceux-ci si prisés, ils ne conçoivent pas pourquoi