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casion de se décharger au Parlement, par des paroles fréquentes et amères, de toute l’opposition qui était en lui, il aurait été comme poëte bien plus pur. Mais comme au Parlement il a à peine parlé, il a conservé en lui tout ce qu’il avait sur le cœur contre sa nation, et pour s’en délivrer il ne lui est resté d’autre moyen que de le convertir et de l’exprimer en poésie. Si j’appelais une grande partie des œuvres négatives de Byron des discours au Parlement comprimés, je crois que je les caractériserais par un nom qui ne serait pas sans justesse. »

Nous avons enfin parlé d’un des poëtes allemands contemporains qui s’est fait un grand nom depuis quelque temps[1], et dont nous avons aussi blâmé l’esprit négatif, « Il ne faut pas le nier, dit Goethe, il a d’éclatantes qualités, mais il lui manque l’amour. Il aime aussi peu ses lecteurs et les poëtes ses émules que lui-même, et il mérite qu’on lui applique le mot de l’Apôtre : « Si je parlais avec une voix d’homme et d’ange, et que je n’eusse pas l’amour, je serais un airain sonore, une cymbale retentissante. » Encore ces jours-ci je lisais ses poésies, et je n’ai pu méconnaître la richesse de son talent ; mais, je le répète, l’amour lui manque, et par là il n’exercera jamais autant d’influence qu’il l’aurait dû. On le craindra, et il deviendra le dieu de ceux qui seraient volontiers négatifs comme lui, mais qui n’ont pas son talent[1]. »

Dimanche soir, 29 janvier 1826.

Le premier improvisateur allemand, le docteur Wolff, de Hambourg, est ici depuis plusieurs jours, et il a mon-

  1. a et b Sans doute Henri Heyne, qui a publié ses premières poésies en 1822.